Lieux et littérature : Ecrire, décrire, ressentir, imaginer les lieux
Autrice : Amélie Blandeau Publié le : 11 février 2025
Depuis les prémices de la création de l’agence Genius loci, il y a la volonté de favoriser la rencontre entre les lieux et les individus. C’est une idée en laquelle nous croyons dur comme fer : dans un monde ultra-numérisé, les lieux sont nos ancrages au monde. Dans cet idéal que nous poursuivons émerge un questionnement littéraire.
L’une des spécialités développée par l’agence est le tourisme littéraire. En tant que tel, il concerne toutes les intrications entre des lieux et des écrivains et/ou des écrits. Concevoir un circuit sur les pas d’un écrivain en Bretagne, découvrir la maison d’enfance d’un auteur, visiter une ville à travers les yeux de romanciers célèbres sont autant de pistes du tourisme littéraire. Mais, par extension, chez Genius loci on aime penser qu’il existe un grand sujet « 𝗟𝗶𝗲𝘂𝘅 𝗲𝘁 𝗹𝗶𝘁𝘁𝗲́𝗿𝗮𝘁𝘂𝗿𝗲 ». Plus que des circuits sur les pas d’illustres personnages, « lieux et littérature » concerne aussi la capacité d’un individu à écrire et décrire un lieu. Bien sûr, on peut s’inspirer du travail des écrivains. Mais il s’agit là d’un exercice du sensible qui découlera toujours du ressenti et de l’imaginaire de l’observateur.
Nous sommes persuadées que le travail d’écriture trouve un écho particulièrement puissant quand il s’agit de lieux : une maison d’enfance, un lieu de vacances, un parc qu’on affectionne particulièrement. Les lieux touchent nos sens et impriment nos mémoires bien plus qu’on ne le pense. Par leur caractère immuable, stable, imposant, ils interrogent la réalité et les possibilités du réel. Ils sont de merveilleux vecteurs de projection et de créativité pour imaginer d’autres mondes, d’autres possibles et rêver un peu plus fort.
A l’époque que nous vivons, le thème « lieux et littérature » est une fenêtre sur la force de l’imaginaire, sur la capacité à se projeter ; c’est une parenthèse ouverte sur la multitude des possibles. Les lieux réels ou imaginaires sont un ancrage pour nos rêves, et aujourd’hui plus qu’hier, nous en avons besoin.
Aussi, il est essentiel pour nous de cultiver la faculté d’observation des individus. Notre volonté est double : calmer les ardeurs consuméristes du tourisme d’une part et faire passer les paysages quotidiens des habitants de spirales vides et invisibilisées en espaces riches de sens. Les richesses des territoires sont déjà là, partout ; à nous, citoyens, de faire le premier pas en levant le regard. La seconde étape consistera alors à laisser s’exprimer nos sens pour capter l’essentiel des lieux de nos vies. Enfin pourra suivre une mise en mots, fulgurante ou fastidieuse, enrichissante. Alors, l’observateur pourra faire abstraction des lieux du réel pour imaginer les lieux les plus fous, les plus beaux, les plus sensibles.
📸 Amélie Blandeau
Récemment, au détour d’un roman de Stella Benson intitulé « La Vie seule », nous avons remarqué ce passage drôle et touchant qui décrit l’île fictive de Mitten Island. Ces quelques lignes sont une illustration parfaite de la force du thème. Elles nous inspirent professionnellement et nous donnent envie, nous aussi, de créer les projets dans lesquels tout un chacun pourra 𝗱𝗲́𝗰𝗿𝗶𝗿𝗲, 𝗲́𝗰𝗿𝗶𝗿𝗲, 𝗿𝗲𝘀𝘀𝗲𝗻𝘁𝗶𝗿, 𝗽𝗲𝗻𝘀𝗲𝗿 𝗲𝘁 𝗿𝗲̂𝘃𝗲𝗿 ses 𝗹𝗶𝗲𝘂𝘅 𝗽𝗿𝗲́𝗳𝗲́𝗿𝗲́𝘀.
« Mitten Island bénéficie d’un climat clément, l’air y est toujours comme un vitrail vous séparant de la perfection. Vous trouverez toujours, dans l’atmosphère heureuse de Mitten Island, l’idée rassurante que le pire ne pourra plus vous atteindre ou alors que ce pire n’était finalement pas si terrible que cela. A Mitten Island, on peut se permettre d’évoquer l’hiver passé, car même l’hiver a été beau. Et lorsque l’on est en plein soleil, on peut même sourire et repenser aux ciels gris et lourds qui recouvraient l’île d’épaisses chutes de neige. A Mitten Island, il semble toujours que la joie se hâte d’arriver après les tempêtes, cette joie qui perce déjà, avec le soleil, entre deux nuages. Même les plus épaisses chapes nuageuses des journées d’hiver s’y dissipent au coucher du soleil ; les bords des nuages se lèvent doucement, et révèlent un espace couleur flamme où apparaissent peu à peu les spectaculaires silhouettes des deux églises, immortelles et triomphantes martyres. »
A vous désormais, lecteur, de prendre la plume pour décrire ou imaginer les lieux qui parlent à votre cœur.