Visite de la Maison Louis Guilloux
Autrice : Célia Boucheraux Publié le : 20 novembre 2024 Lecture : 4 min
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En avril 2024, nous avons visité la Maison de Louis Guilloux à Saint-Brieuc. L’occasion de partager nos impressions de visite.
C’est une maison discrète de l’extérieur, en retrait et en surplomb de la rue, au-dessus d’autres maisons. Un bâtiment classique, banal, des années 30, dont la sobre hauteur est trahie par une grande bannière annonçant son lien avec l’écrivain briochain Louis Guilloux. Construite au milieu de nulle part à l’époque, elle a depuis été rejointe par la ville, absorbée par le mouvement d’extension de Saint-Brieuc. Elle était un satellite de la ville, elle a été rappelée en son sein. Et pour la rejoindre, il faut chercher l’escalier, coincé entre deux murs et se frayer un chemin pour accéder aux hauteurs de l'écrivain.
On rentre par le côté droit de la maison, spécialement aménagé pour accueillir le public. Une porte claire et discrète ouvre sur un couloir avec au fond un petit escalier de bois. Sur la gauche, une salle permet la tenue d’ateliers d’écriture et autres activités mais l’on se dirige droit vers l’escalier. Sombre et très étroit, un puits de lumière l’adoucit et nous attire plus haut. Cet escalier, isolé au bout de la maison, restreint, est un rajout : Louis Guilloux a lui-même dessiné tous les plans de sa maison mais en a oublié le moyen de passer d’un étage à l’autre. Il a donc fallu trouver une solution comme on peut : certains n’ont pas besoin de marches pour s’élever.
On monte pourtant les marches réelles et au dernier palier, une affiche encadrée annonce qu’”ici commence la liberté”. Une promesse et un fil rouge pour arriver au dernier étage, territoire de l’écrivain. On arrive dans une petite antichambre où s’étale une collection, sans doute exhaustive, des numéros de la NRF (Nouvelle Revue Française) à laquelle Guilloux contribuait. À droite, on passe un encadrement de bibliothèques et nous voilà dans l’antre des mots.

Ça sent le bois, la poussière, les livres et le temps passé. Un peu d’humidité aussi. La pièce est totalement recouverte de bois, la quasi-totalité portent des bibliothèques elles-mêmes chargées de livres écrits dans plusieurs langues, par des auteurs multiples et couvrant un éventail de sujets variés. Des placards bricolés cachent même des recoins bien utiles dans les temps difficiles. Nous sommes dans les combles, nous sommes presque entre ciel et terre, à l’étage de la littérature.
Au milieu de la pièce, inévitable, immuable, imposant dans sa simplicité, il y a le bureau de l’écrivain. Aucune fioriture, en bois clair, une coupe franche et une forme solide, des tâches. Une collection de pipes étalée, des sachets de tabac ouverts et un exemplaire de l’impressionnant Jeu de Patience en attente sur le côté. Derrière le bureau, un lit où on a du mal à imaginer Louis Guilloux allongé à lire ou faire la sieste. L’air nerveux de ses photos et le portrait raconté par le guide semblent en décalage.
Beaucoup de figures célèbres sont passées par cet endroit, refuge et phare de liberté. L'imagination reste perplexe des simples humains qu’ils étaient avant d’être imprimés par et pour l’histoire : Malraux, Camus et tant d’autres.
Une grande lucarne de chaque côté de la pièce permet d’observer loin alentour. D’un côté, le Saint-Brieuc récent, de l’autre, un cerisier planté pour la naissance de sa fille empêche aujourd’hui de voir la mer. Louis voulait voir la mer mais le phare de liberté est aujourd’hui caché. Le rose des fleurs à la place du bleu infini : les graines que l’on sème prennent racine plus profondément qu’on ne l’imagine. Elles nous survivent et nous dépassent parfois, plus fortes et conséquentes qu’on ne le pensait.
Le cerisier est en fleur mais le ciel est gris. La pièce est étonnamment lumineuse en ce jour de crachin breton. Le printemps n’est pas très loin.
On ressort alors discrètement de cette maison, comme l’écrivain, sur la rue froide et déserte, avec l'impression de quitter un espace peuplé d’humanité. On est au chaud chez Louis Guilloux. L’envie de le lire pour se réchauffer le cœur n’en est que plus forte.
Pour aller plus loin...
Maison Louis Guilloux
13 rue Lavoisier
22000 Saint-Brieuc
Le programme des activités de la maison est disponible sur leur site web